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Les attaques de loups sur les bovins sont encore peu déclarées

Il est recommandé de déclarer l'attaque sur un animal de l'exploitation le plus rapidement possible.

Une étude conduite en Savoie et en Haute-Savoie identifie les spécificités des attaques de loups sur les bovins.

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Si les loups attaquent de préférence les moutons, ils s’en prennent aussi de plus en plus aux bovins. Et les éleveurs déclarent peu les dommages qu’ils subissent. C’est un des constats mis en évidence par Morgane Virapin à la suite d’une enquête menée en préparation de son doctorat auprès des exploitants de la Savoie et de la Haute-Savoie (1).

« Nous voulions avoir une idée précise de ce qui se passe sur le terrain, explique-t-elle. En 2021, nous avons envoyé notre questionnaire par mail à près de 1 600 exploitants (1 591), ce qui représente 84 % des éleveurs des deux départements. »

35 % des éleveurs répondent à l’enquête

673 personnes ainsi contactées ont répondu, (soit 35 % des éleveurs des deux départements). « Ce qui est révélateur de l’intérêt que portent les éleveurs à cette question, analyse Gilles Brunschwig, directeur de thèse à Vet-Agro Sup. C’est un sujet qui les touche et pour lequel, ils avaient besoin de s’exprimer. »

Parmi ces répondants, 10 % seulement, ont indiqué qu’ils déclaraient aux directions départementales des territoires (DDT) les dommages qu’ils subissaient alors que 43,5 % des éleveurs enquêtés ont déjà eu au moins une victime bovine. Les chiffres fournis par l’Administration ne reflètent donc pas la réalité du terrain même si ces derniers font état d’une forte hausse des attaques au cours des dernières années.

Selon la note sur la prédation lupine en 2023 datant d’août 2024 de la Dreal, la part des dommages du loup sur les bovins s’élevait en 2023 à 7,46 % des attaques, soit 335 dossiers (contre 283 dossiers en 2022), et 4,60 % des victimes, soit 479 animaux (contre 417 en 2022).

« Une forte proportion d’exploitants est concernée par l’impact des prédateurs, et pourtant, ils sont peu nombreux à faire constater le dommage subi. Nous nous sommes ainsi intéressés aux raisons de cette absence de signalement », ajoute Morgane Virapin.

Émergence d’un phénomène

Beaucoup d’éleveurs (68 %) indiquaient ne pas avoir fait de déclaration car ils ne savaient pas si le dommage était lié au loup. Seuls 20 % d’entre eux savaient qui contacter et connaissaient les différentes étapes liées au constat de dommage (40 % ne savaient pas du tout, 40 % connaissaient moyennement). « Nous sommes dans l’émergence d’un phénomène, estime Gilles Brunschwig. Les agriculteurs ne savent pas encore comment s’y prendre. Ils ne savent pas toujours si le fait qu’un bovin soit attaqué par un loup est plausible. » Dans le doute, ils s’abstiennent de parler de leur problème, sachant que les preuves ne sont pas toujours faciles à réunir.

« La perte d’un animal ou la suspicion d’une attaque mérite d’être signalée quand même, indique Gilles Brunschwig. Les agents de l’OFB (Office français de la biodiversité) peuvent regarder s’il y a des traces, et si éventuellement une meute est en constitution dans le secteur. » La situation est complexe car l’exploitant se retrouve en situation de devoir faire appel aux instances de contrôle avec lesquelles les relations sont parfois « distantes », voire tendues.

« Il est par ailleurs recommandé de déclarer les dommages le plus rapidement possible », ajoute Morgane Virapin. Le délai légal est de 72 heures. Les agents sont formés pour remplir la grille de constat de dommages et relever l’ensemble des éléments pouvant être utiles à l’analyse.

147 constats analysés

L’étudiante a aussi passé au crible la prédation déclarée en analysant 147 constats de dommages impliquant des bovins sur les deux départements savoyards entre 2015 et 2020. Elle a ainsi observé que 43 % des bovins tués (63 % des animaux attaqués) étaient des veaux de moins de 6 mois, 31 % sont des génissons entre 6 mois et 2 ans et 26 % des adultes de plus de deux ans.

L'analyse des 147 constats a montré que 43 % des bovins tués (63 % des animaux attaqués) étaient des veaux de moins de 6 mois. (© DR)

Parmi les bovins blessés (37 %), une majorité (68 %) est constituée d’adultes. « L’efficacité des attaques semble en partie liée à la taille de la victime, ajoute Gilles Brunschwig. Mais il y a des attaques victorieuses sur toutes les catégories de victimes. »

Autre constat, les carcasses des bovins attaqués sont fortement consommées. « 42 % des (190) victimes sont consommées dont 12 % le sont totalement », précise-t-elle. Pour certains veaux, il ne reste que la tête (voir la photo). Parmi les victimes non consommées, 21 % présentent quand même des traces de lacération ou des morsures. Ces stigmates de prédation se localisent en particulier sur l’arrière-train et les membres (67 %), uniquement le cou (11 %) ou sur le reste du corps (22 %). Le reste (37 %) est des victimes indirectes, mortes après un dérochement ou souffrant de boiterie, fractures, mammites…

(1) Les résultats ont fait l’objet d’un poster présenté lors des journées 3R des 4 et 5 décembre 2024 à Paris.

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